Aller au contenu

[Article 34-5] La médecine

بسم الله الرحمن الرحيم

La comparaison entre la médecine arabe et occidentale

Un médecin musulman qui visita les blessés croisés raconte :

On commença par m’amener un chevalier qui avait un abcès à une jambe et une femme atteinte de fièvre hectique. Je posai un emplâtre suppuratif sur la jambe du chevalier ; l’abcès creva et l’évolution s’annonça comme devant être satisfaisante. Quant à la femme, je lui prescrivis un régime alimentaire uniquement composé de légumes.

Sur ces entrefaites arriva un médecin franc qui déclara que je n’y connaissais rien. Se tournant vers le cavalier, il lui demanda : « Que préfères-tu : vivre avec une seule jambe ou mourir avec les deux ? » Et le cavalier de répondre : « Vivre avec une seule jambe. » Sur ce, le médecin franc déclara : « Qu’on m’amène un vigoureux cavalier avec une hache bien affûtée ! »

J’étais encore là quand le cavalier arriva avec la hache. Le médecin posa la jambe du patient sur un billot de bois et ordonna au robuste cavalier : « Tranche-lui la jambe d’un bon coup de hache ! » Je vis le cavalier lui assener un terrible coup qui ne suffit cependant pas à trancher la jambe. Il porta alors un second coup, tout aussi violent, et je vis la moelle s’écouler du tibia. Le malheureux mourut sur-le-champ.

Après quoi le médecin examina la femme et déclara : « Un démon s’est épris d’elle et s’est logé dans sa tête. Coupez-lui les cheveux ! » On les lui coupa, et elle se remit à manger la même nourriture que ses compatriotes, agrémentée d’ail et de moutarde. La fièvre monta. Le médecin déclara : « Le démon s’est transporté au cerveau. » Saisissant alors un rasoir, il lui fit sur la tête une incision en forme de croix et lui arracha un bon morceau de cuir chevelu, dénudant ainsi l’os crânien qu’il frotta avec du sel. La femme mourut dans l’heure.

Je demandai alors aux autres : « Avez-vous encore besoin de mes services ? – Non », me répondirent-ils. Et je m’en fus, conscient d’avoir appris auprès de ces gens bien des choses que j’avais ignorées jusque-là ! (p.117)

Il y avait dans mon pays un chevalier très puissant. Il tomba malade, et sa fin paraissait proche. Nous allâmes trouver l’un de nos prêtres les plus considérés et le priâmes de venir prendre soin du chevalier untel. « Volontiers », nous répondit-il, et il nous accompagna. Nous étions convaincus qu’il réussirait à sauver le malade par la simple imposition des mains. Or, après avoir observé le chevalier, il ordonna : « Qu’on m’apporte un peu de cire ! » Nous lui en procurâmes aussitôt. Il la ramollit et la divisa en deux morceaux auxquels il donna la forme d’une phalange. Il les introduisit alors dans les narines du patient. Le chevalier mourut.

Lorsque nous annonçâmes son décès au prêtre, celui-ci nous répondit : « Oui, pour lui « épargner de plus grandes souffrances je lui ai bouché le nez afin qu’il meure et repose en paix… » (p.119) 

Le statut de la médecine chez les Occidentaux

Imposition des mains, exorcisme, prière, tels étaient les principaux modes de traitement auxquels, sous l’habit de prêtre ou de moine, les médecins de l’Occident, s’efforçaient de délivrer les hommes de leurs maux corporels.

[…] La foi était le ferment de la guérison […] N’était-ce pas la preuve d’un manque de confiance à l’égard du Tout-Puissant que de « se fier aux remèdes profanes, aux herbes et aux racines » ? Seuls les démons, qui cherchent à détourner l’homme de Dieu, incitent les fous et les tièdes à recourir à de tels moyens.

[…] Bref, par la volonté de l’Église, l’exercice de la chirurgie était interdit au clergé (p.120-1)

Sans confession préalable, point de traitement. […] Le pape Innocent III au Concile de Latran (1215) : « Sous peine d’excommunication, il est interdit à tout médecin de soigner un malade si ce dernier ne s’est pas au préalable confessé ! Car la maladie est issue du péché »

[…] Quiconque s’avisera de se faire soigner par un médecin non chrétien, juif ou sarrasin, sera frappé d’excommunication, car le salut de son âme serait alors directement menacé ».(p.123-4)

Le statut de la médecine chez les Musulmans

Comment Ibn Ridouan, directeur du corps médical du Caire s’était-il exprimé sur les devoirs du médecin ? « Il doit soigner ses ennemis dans le même esprit avec le même intérêt et la même sollicitude que ceux qu’il aime. » (p.124)

Les hôpitaux occidentaux

Mais on ne trouve pas en Occident d’hôpitaux exclusivement réservés aux malades avant la fin du XIIe siècle. Ce n’est qu’avec les Croisades que, prenant exemple sur les Arabes, les Occidentaux fondèrent des hôpitaux réservés aux seuls malades et à leur entretien, sans toutefois qu’il y fût encore question de soins médicaux. Pour le clergé, il s’agissait d’alléger les souffrances plus que de guérir à proprement parler (p.124)

L’hôpital Hôtel-Dieu de Paris

Le sol pavé de brique était recouvert de paille, et les malades s’entassaient sur ces litières, les pieds des uns contre la tête des autres, des enfants côtoyant des vieillards et, si incroyable que cela puisse paraître, hommes et femmes pêle-mêle… Des individus atteins de maladies contagieuses en coudoyaient d’autres qui ne souffraient que d’une légère indisposition.

Serrés les uns contre les autres, une femme gémissait dans les douleurs de l’enfantement, un nourrisson se tordait dans des convulsions, un typhique brûlait de fièvre, un phtisique toussait et un homme atteint d’une maladie cutanée, souffrant d’effroyables démangeaisons, s’arrachait la peau à grands coups d’ongles…

Les malades manquaient souvent de l’essentiel. On leur donnait une nourriture infecte en quantité insuffisante et à des intervalles irréguliers. Ils ne mangeaient convenablement que lorsque de charitables citoyens leur apportaient des provisions. À cet effet les portes de l’hôpital restaient ouvertes jour et nuit ; n’importe qui pouvait entrer et apporter ce qu’il voulait, et si certains jours les malades mouraient quasiment de faim, il leur arrivait aussi de faire des excès et de mourir tout à fait d’indigestion.

La vermine grouillait littéralement partout, et dans les salles de malades l’air était si pestilentiel que les surveillants et les infirmiers ne s’y aventuraient qu’une éponge imbibée de vinaigre devant la bouche. Les cadavres attendaient au moins vingt-quatre heures et souvent davantage leur évacuation, et dans l’intervalle les vivants devaient côtoyer les morts qui, dans cette atmosphère infernale, commençaient très vite à sentir mauvais et à se couvrir de grosses mouches à viande verdâtres… (p.125)

Les hôpitaux musulmans

A elle seule Cordoue comptait au milieu du Xe siècle cinquante établissements hospitaliers, surpassant ainsi Baghdad pourtant citée en exemple pour ses fameux hôpitaux datant du règne d’Haroun al-Rachîd. […]. Il allait de soi que toutes les pièces devaient avoir l’eau courante (amenée du Tigre) pour les bains et les ablutions quotidiennes. Lorsque le sultan de Bagdad Adoud ad-Daoula décida de fonder un nouvel hôpital, il chargea le médecin Ar-Rasi de définir à cet effet l’emplacement le plus favorable.

Ar-Rasi envoya ses serviteurs suspendre dans les différents quartiers de Baghdad des morceaux de mouton – épaule, poitrine, côtelette, filet – prélevés sur des bêtes de même âge et qu’on venait de tuer. Et c’est dans le quartier où vingt-quatre heures plus tard la viande était restée la plus fraîche que fut construit l’hôpital Adoudi.

Les établissements hospitaliers fondés par les califes et les sultans étaient conçus avec un luxe égal à celui des palais royaux. Le confort présidant à l’installation des chambres et des salons des hauts dignitaires du royaume se retrouvait dans les chambres de malades des hôpitaux ouverts à toute la population.

Lorsque fut achevée la construction de l’hôpital Mansouri au Caire, le sultan Al-Mansour Qalaouin se fit apporter un gobelet de vin de l’hôpital, le but et déclara : « J’ai fondé cet hôpital pour mes égaux et pour mes inférieurs, je le destine au maître et au serviteur, à l’émir et au soldat, au grand et au petit, à l’homme libre comme à l’esclave, aux hommes comme aux femmes.(p.127)

Les hôpitaux étaient aussi des écoles

Les hôpitaux les plus importants étaient en même temps de grandes écoles de médecine. […] Les jeunes médecins arabes étaient instruits lors des conférences publiques sous les arcades des mosquées, dans des écoles de médecine privées et surtout dans les salles de malades et les amphithéâtres des hôpitaux.(p.131)

Dans les hôpitaux on dressait soigneusement un procès-verbal de l’examen, du diagnostic, des prescriptions et de leur effet, de l’évolution générale, bref un tableau synoptique rigoureux de chaque cas.

De l’ensemble de ces dossiers médicaux des grands hôpitaux de Bagdad au cours du premier quart du Xe siècle, naquit un colossal ouvrage médical qui, des siècles durant, servit de manuel au corps médical européen : ouvrage de compilation composé pour son usage personnel et pour l’instruction de ses élèves par « le plus grand médecin du Moyen-Âge » et « lun des plus grands médecins de tous les temps. »[ndlr : Abu Bakr Muhammad ibn Zakariya Ar-Rasî] (p.136-7)

✽ ✽ ✽

والله تعالى أعلم

Disponible sur Google Play

Sources : Le soleil d’Allah brille sur l’Occident – Sigrid Hunke